Au-delà du handicap, prier de personne à personne

Le handicap, physique ou mental, n’est de loin pas un obstacle à la foi. Une célébration vivante et simple vécue parmi des personnes en situation de handicap, en compagnie de leur l’aumônière, le démontre.

Tenant délicatement un bocal où scintille une bougie, Pascale Auret-Berthoud passe vers chacune des personnes présentes à la chapelle. Elles peuvent ainsi exprimer une intention de prière en aparté, juste avant que ne s’achève la célébration. Elle leur tend le bocal qu’elles prennent, ou non. « C’est un moment très important pour eux. Ils témoignent d’une foi spontanée et belle », explique l’aumônière catholique de la Fondation des Perce-Neige. L’institution, située aux Hauts-Geneveys, dans le canton de Neuchâtel, accueille des adultes et des enfants en situation de handicap mental et physique.

Pascale Auret-Berthoud, au service de l’Eglise du canton de Neuchâtel, travaille à l’aumônerie œcuménique de la Fondation depuis dix ans, dont sept passés avec les enfants et les jeunes. Elle alterne les célébrations toutes les deux semaines avec deux aumôniers de l’Eglise réformée. « Nous discutons ensemble du programme et du thème de l’année (la femme dans la Bible). Ensuite chacun travaille de son côté », détaille-t-elle. Elle prépare les célébrations et choisit les textes en fonction du thème. Elle doit surtout faire preuve d’une belle imagination pour animer des célébrations destinées aux adultes en situation de handicap mental, parfois physique, et de troubles du spectre de l’autisme (TSA). « Nous sollicitons la vue, le toucher, l’ouïe et le goût des résidents. Leur façon d’appréhender le monde passe par les sens. Ils ont de plus, une grande sensibilité ».

Des points de repère

« Il faut les cloches, Pascale! ». Une douzaine de résidents sont venus assister à la célébration hebdomadaire. Pascale Auret-Berthoud, attend que les derniers s’installent et lance l’enregistrement de cloches sonnant la messe. Il s’agit d’un petit rituel, un point de repère, sans lequel il n’est pas question de commencer la célébration. Le brouhaha s’estompe. Dans le silence, l’aumônière fait le signe de croix d’un bras qui mime: « avec le Père qui est au-dessus de nous, le fils qui est avec nous et l’Esprit-Saint qui est en nous ».

Des supports visuels et sensoriels

Le bateau en feutre posé sur l’autel ne laisse aucun doute sur l’extrait de la Bible abordé ce lundi. Après la lecture, l’aumônière explique avec des mots simples l’épisode du déluge tiré du Livre de la Genèse. Parlant clairement et prenant soin d’articuler, elle raconte à l’assistance la manière dont Dieu a confié à Noé la tâche de construire son arche. Elle implique les résidents en leur posant des questions. L’échange tourne à la discussion. Pascale illustre le déluge avec un tube de bambou contenant du gravier fin, qui rappelle le crépitement de la pluie. Dans les mains expertes de Marianne Laederach, une bénévole dans l’aumônerie spécialisée à la retraite, des paires d’animaux en peluche embarquent dans l’arche.

« C’est la première fois que j’utilise des peluches pour illustrer la Bible », témoigne Pascale. L’année passée sur le thème des plantes dans l’Evangile, elle s’est servie de lentilles germées qu’elle leur a fait effleurer de la main. Lors d’une autre célébration, des graines de moutarde ont fait l’objet d’une dégustation. « Je me souviens avoir amené un sac rempli de sable comme support à la narration de l’épisode d’Abraham et Sarah dans le désert. Depuis que je suis ici, j’ai bien utilisé cinquante mille trucs! », s’amuse-t-elle.

Célébration à la chapelle des Perce-Neige. Le "Notre Père", main dans la main. (Photo: B. Hallet)

Célébration à la chapelle des Perce-Neige. Le « Notre Père », main dans la main. (Photo: B. Hallet)

Une célébration animée

Certains participants commentent, s’exclament, applaudissent. « L’ambiance varie fortement d’un groupe à l’autre et selon que les participants peuvent s’exprimer ou non », précise l’aumônière. Ils se lèvent, prennent spontanément une bougie pour encadrer Marianne lorsqu’elle lit le psaume. La célébration est animée mais tranquille. Elle n’excedera pas 40 minutes, une durée au-delà de laquelle l’attention se relâche.

Autre partie intégrante de la célébration: les chants. Alternant avec la lecture d’un psaume et des extraits de la Bible, ils sont rythmés avec des maracas. La célébration prend ainsi un relief sonore et visuel surprenant pour qui n’en a pas l’habitude. Clio, Georges, Barbara, Hélène et les autres s’y retrouvent. Ils ont leurs repères.

Plus que touchée, je suis émue par la simplicité de leur foi.

Pascale et Marianne restent attentives tout au long de la célébration. Elles profitent d’un chant pour se rapprocher de l’un ou l’autre. Le « Notre Père » est l’occasion de prendre part à la chaîne qu’ils forment autour de l’autel.

« J’ai grandi dans ma foi »

« J’essaye le plus possible d’être présente, sans m’imposer, précise l’aumônière. J’ai appris beaucoup à leur contact. La rencontre avec eux est progressive et demande beaucoup d’humilité. Il faut se défaire de ses préjugés et savoir patienter à travers une adaptation qui est réciproque ». Elle reconnaît avoir fait parfois preuve de condescendance à leur égard et s’imaginait tout leur apporter. « A leur contact, j’ai grandi dans ma foi. Ils m’ont ouvert des portes sur l’amour et le respect », admet-elle.

Lorsqu’on aborde le thème de la miséricorde, l’aumônière affirme la vivre simplement dans le cadre de ces célébrations. « Parfois je suis saisie par un regard, une attitude. Plus que touchée, je suis émue par la simplicité de leur foi. Cette prière en aparté donne l’occasion de parler de personne à personne. On dépasse le handicap dans une triangulation entre Dieu, la personne et moi », souffle-t-elle.

Elle affirme avoir beaucoup de plaisir à venir célébrer à la Fondation. « A leur manière, ils forment une paroisse ». Pascale est aussi leur repère: pas un qui ne l’ait saluée en arrivant et en quittant la chapelle, avec cette question rituelle: quand est-ce que tu reviens? ». (cath.ch-apic/bh)